Imaginez un instant : vous êtes face au Vésuve qui crache ses entrailles rougeoyantes dans la nuit napolitaine. Comment capturer cet instant de pure violence naturelle sur une toile ? C'est le défi que relevèrent des générations d'artistes de la peinture de paysage, armés de leurs pinceaux et d'un courage parfois insensé.
Les techniques picturales pour représenter les éruptions volcaniques
Au XVIIIe siècle, les peintres paysagistes inventèrent de véritables astuces pour traduire ce que leurs yeux voyaient. Les principales techniques développées incluaient :
- L'empâtement épais pour reproduire la texture visqueuse de la lave en fusion
- La dilution des pigments pour créer les voiles translucides des fumées volcaniques
- Les projections de peinture pure simulant les éjections explosives de matière incandescente
- La peinture nocturne magnifiant les contrastes lumineux entre ténèbres et brasier
Michael Wutky, cet Autrichien téméraire qui accompagnait l'ambassadeur britannique dans ses ascensions dangereuses, ne se contentait pas d'observer de loin. Il appliquait sa peinture en couches épaisses pour imiter la texture gluante de la lave qui coulait sous ses yeux. Pour les fumées ? Il diluait ses pigments jusqu'à créer des voiles gris translucides.
Pierre-Jacques Volaire, installé à Naples dès 1767, assista à plusieurs éruptions. Son truc à lui ? Peindre la nuit. Les ténèbres magnifiaient chaque lueur incandescente, chaque projection de lave devenait un feu d'artifice spectaculaire. Joseph Wright of Derby, plus minimaliste, préférait l'économie de moyens : quelques coups de pinceau bien placés suffisaient à capturer l'essence du phénomène.
Certains artistes n'hésitaient pas à projeter littéralement leur peinture sur la toile pour simuler les explosions volcaniques. Jules Tavernier, ce Français qui débarqua à Hawaï en 1884, devint une célébrité locale en peignant le lac de lave du Kilauea. Ses toiles vibraient de couleurs si vives qu'on sentait presque la chaleur du magma, créant un véritable art volcanique immersif.
Pour les amateurs de paysages naturels capturés avec authenticité, les tableaux paysages offrent aujourd'hui une belle diversité, des scènes volcaniques aux vues plus paisibles.
La représentation des geysers et sources chaudes par les peintres
En 1871, Thomas Moran participa à l'expédition Hayden vers Yellowstone, ce territoire encore sauvage du Wyoming. Pendant 40 jours, il croqua tout ce qu'il voyait : le Grand Canyon aux parois multicolores, les sources fumantes de Mammoth Hot Springs, les geysers qui jaillissaient sans prévenir. Ses aquarelles de ces phénomènes naturels, présentées au Congrès, provoquèrent un choc visuel. Les parlementaires n'en croyaient pas leurs yeux. Résultat ? La création du premier parc national mondial en 1872.
De l'autre côté de l'Atlantique, les peintres européens se passionnaient pour le Great Geysir islandais. Une gravure colorée de 1796 montre des visiteurs fascinés, certains tentant même de mesurer la hauteur du jet d'eau avec leurs instruments. Les artistes s'attardaient sur les détails : ces formations blanches et pêche de geysérite qui entouraient les sources, créant des paysages d'un autre monde.
Grafton Tyler Brown, artiste afro-américain basé à Helena dans le Montana, peignit Castle Geyser en 1890. Il ne cherchait pas la reproduction photographique. Il choisissait des couleurs complémentaires harmonieuses, créant une vision à la fois réelle et poétique. Ces tableaux se vendaient comme souvenirs aux touristes qui descendaient des trains du Northern Pacific Railway.
Les geysers changeaient constamment après les tremblements de terre. Les peintres documentaient ces transformations géologiques en temps réel, devenant malgré eux des témoins scientifiques précieux, mêlant géologie artistique et observation naturaliste.
Les couleurs utilisées par les peintres pour les phénomènes géothermiques
La lave incandescente impose sa loi chromatique : rouge feu, orange flamboyant, jaune éclatant. Wutky allait plus loin : il voulait que sa peinture ait la même texture, la même couleur, la même consistance que la lave qu'il observait au bord du cratère du Vésuve.
Les fumées posaient un défi différent. Il fallait maîtriser toute une gamme de gris : anthracite épais pour les cendres, roussâtre quand le feu sous-jacent les illuminait, bleuté délicat pour la simple vapeur d'eau. Turner profita même d'un événement catastrophique pour enrichir sa palette. Après l'éruption du Tambora en 1815, les cendres volcaniques répandues dans l'atmosphère créèrent pendant trois ans des couchers de soleil extraordinaires, rouge vif et orange intense, que le peintre anglais s'empressa d'immortaliser dans sa représentation artistique des cieux embrasés.
Les tunnels de lave révèlent des surprises chromatiques : reflets gris métalliques là où la surface s'est vitrifiée au contact de l'air, teintes chocolat sur les parois revernies par la lave en mouvement, rouge-orangé de l'oxydation du fer. Les artistes contemporains intègrent ces nuances dans leurs œuvres abstraites.
Les sources chaudes affichent leurs propres codes couleur. Le jaune soufre trahit les solfatares, le blanc immaculé signale les dépôts de travertin, le bleu turquoise profond indique les bassins thermaux riches en minéraux. Thomas Moran excellait dans la restitution de ces "wonderful coloring" - pour reprendre l'expression émerveillée du photographe William Henry Jackson. Cette fidélité aux couleurs réelles différenciait ses aquarelles des banals croquis en noir et blanc.
Les peintres spécialisés dans la représentation des volcans
Pierre-Jacques Volaire reste la référence absolue pour le Vésuve. Cet élève de Claude Joseph Vernet s'installa à Naples en 1767 et y resta, assistant éruption après éruption. Ses toiles mêlaient science et émotion : on y voyait des processions religieuses terrorisées, des napolitains priant leur saint patron, tandis qu'au-dessus d'eux le volcan crachait son feu. Ses clients fortunés du Grand Tour adoraient ramener ces scènes nocturnes spectaculaires.
Thomas Moran (1837-1926) fut tellement associé à Yellowstone qu'on le surnomma "Tom Yellowstone Moran". Il incorpora même un "Y" dans sa signature ! Sa toile monumentale du Grand Canyon of the Yellowstone, 7 pieds de haut sur 12 de large, impressionna tant le Congrès qu'ils l'achetèrent pour 10 000 dollars - une somme colossale à l'époque. Il consacra ensuite sa carrière à peindre les futurs parcs nationaux américains.
Michael Wutky, ce peintre autrichien qui n'avait pas froid aux yeux, grimpait jusqu'au bord du cratère du Vésuve avec l'ambassadeur britannique Lord William Hamilton, pionnier de la volcanologie. Ses toiles étaient considérées jusqu'à l'invention de la photographie comme les représentations les plus fidèles d'une éruption volcanique. Ses points de vue, pris au cœur de la fournaise, offraient des perspectives que personne n'avait osé capturer avant lui.
Joseph Wright of Derby développa un style épuré, presque minimaliste. Ses vues du Vésuve circulèrent dans toute l'Europe. Plus tard, Dr Atl (Gerardo Murillo), peintre mexicain du XXe siècle, immortalisa le Paricutin et le Popocatépetl avec une vision moderniste des forces telluriques.
Ces artistes n'étaient pas de simples copistes de la nature. Ils interprétaient, magnifiaient et documentaient des phénomènes encore mystérieux à leur époque, contribuant autant à faire avancer la science qu'à enrichir l'histoire de l'art.
FAQ : La représentation picturale des phénomènes géothermiques
Comment les peintres du XVIIIe siècle représentaient-ils la lave en fusion ?
Les artistes comme Michael Wutky utilisaient des empâtements épais pour reproduire la texture visqueuse de la lave, tandis que d'autres projetaient littéralement la peinture sur la toile pour simuler les explosions volcaniques. Pierre-Jacques Volaire privilégiait les scènes nocturnes où les contrastes entre ténèbres et lueurs incandescentes magnifiaient la puissance du spectacle.
Pourquoi Thomas Moran est-il surnommé "Tom Yellowstone Moran" ?
Thomas Moran participa en 1871 à l'expédition Hayden qui explora Yellowstone. Ses aquarelles des geysers, sources chaudes et canyons colorés impressionnèrent tellement le Congrès américain qu'elles contribuèrent à la création du premier parc national en 1872. Il devint si associé à ce lieu qu'il incorpora un "Y" dans sa signature artistique.
Quelles couleurs spécifiques les peintres utilisaient-ils pour les phénomènes géothermiques ?
La palette variait selon les manifestations : rouge feu, orange et jaune pour la lave incandescente ; gris anthracite, roussâtre et bleuté pour les fumées ; jaune soufre pour les solfatares ; blanc immaculé pour les travertins ; bleu turquoise pour les bassins thermaux. Les peintres comme Moran et Wutky cherchaient à reproduire fidèlement ces colorations naturelles extraordinaires.